« La réalité du champ de bataille est que l’on n’y étudie
pas, simplement on fait ce que l’on peut pour appliquer
ce que l’on sait… Dès lors pour y pouvoir un peu, il faut
savoir beaucoup et bien » 

Maréchal Ferdinand Foch 

Act now!

La crise est une occasion unique d’apprentissage

LA crise a été un épisode cosmologique qui a révolutionné la vie des entreprises. Plans, prévisions tout ce qui avait été pensé et élaboré est parti en fumée… La pandémie a fait voler en éclat beaucoup de codes, de règles établies, de processus, de modalités managériales, elle a ouvert la porte à d’autres possibles où l’agilité a été le vecteur de la survie.…

On le sait aujourd’hui les entreprises du secteur immobilier ont bien résisté en s’adaptant à cette situation extrême…Elles ont improvisé, bricolé pour palier l’impréparation aux problèmes rencontrés.
D‘aucuns diront qu’elle se sont adaptées, bref qu’elles ont fait preuve de résilience.
Reste qu’être résilient suppose d’être en capacité non seulement d’absorber la crise en phase de choc, de s’adapter en phase de réaction mais aussi d’être en capacité de s’approprier la crise en phase d’apprentissage. Vincent Lecamus et Florian Mas rappellent que la résilience nécessite d’adopter une approche défensive en mettant en place des mesures de précaution en aval des crises, réactives pour faire face au choc de la crise et proactives pour prendre les décisions qui engagent le futur. Il est donc possible d’agir à tous les niveaux de la crise.

Contrairement aux périodes de normalité, la crise s’inscrit dehors des régularités et des
déterminismes. Elle crée de nouvelles conditions pour le déploiement de l’action et ouvre le champ à des potentialités de création et d’innovation plus grandes. La crise est une opportunité de changement en profondeur et d’apprentissage sur les modes de gestion
inadéquats.

Comme le disent Vincent Lecamus et Florian Mas, les best practices ne sont pas des
modèles adaptables partout. De l’apprentissage qu’il convient d’avoir, c’est
avant tout celui de l’identification a postériori de vos propres dysfonctionnements et
déséquilibres. On parlera ici d’apprentissage organisationnel pour qualifier la façon dont
l’organisation acquiert des connaissances attribuables aux capacités cognitives des acteurs.

L’importance du feedback : la connaissance des matelots sur le pont in situ, une ressource centrale

Avec la crise, les individus ont été poussés à trouver de nouvelles alternatives, de
nouveaux modèles de pensée et d’action que l’on peut assimiler à un apprentissage
cognitif. Mettre en place des dispositifs de retour d’expérience permet d’identifier les enseignements pouvant être tirés de la crise.
Dans cette équation, le rôle de chaque acteur est central . Ayant agi tout au long de la
crise, les acteurs ont accumulé des connaissances diverses qu’il est nécessaire de capitaliser. Quel est le plus gros défi auquel elles ont dû faire face ? Qu’est ce qui a grippé le système ? quelles solutions ont été trouvées ? Il est nécessaire de prendre en compte même les dysfonctionnements qui paraissent bénins car ils peuvent expliquer une moindre capacité d’adaptation ou d’agilité…

C’est l’équipage qui créé la connaissance

Il est donc nécessaire de faire participer l’ensemble des collaborateurs car c’est
l’équipage qui crée la connaissance. Et pour reprendre la métaphore de Vincent Lecamus
et Florian Mas, il convient aux matelots de faire remonter les connaissances tacites de
terrain, aux officiers de convertir ces connaissances tacites en connaissance
explicites, au commandant de bord de prendre les décisions qui s’imposent. Ces
derniers doivent se servir de la crise comme levier pour réévaluer et redéfinir leur
process, et transformer l’ensemble de leur fonctionnement pour développer les
meilleurs pratiques et assoir le mode agile, seul à même de garantir la survie.

Apprendre ou disparaître

Redémarrer ou se réinventer : le piège de la légitimité

Cet apprentissage post-crise qui tend à requestionner des pratiques et routines au long cours dans l’organisation est essentiel. Il faut être vigilant car lorsque l’on s’éloigne du choc initial les modèles mentaux profonds ont tendance à resurgir avec force, et l’organisation est reprise dans ses habitudes quelles que soit les intentions sincères de changer.
Or, l’utilisation des normes et des cadres d’analyse antérieurs pour décoder et analyser la crise permettent certes de revenir à une réalité que les acteurs connaissent, mais risque de générer le retour à l’équilibre initial. Ils vous permettront de redémarrer mais pas de vous réinventer.
Risquer de redémarrer plutôt que de se réinventer est d’autant plus grand que pour générer de la confiance les dirigeants ont tenu des discours d’une entreprise à la hauteur de la crise…

Ils pourraient finir par le croire eux-mêmes et ne pas prendre la mesure des dysfonctionnements mis à jour par la crise, ce qui entrave l’apprentissage… c’est le piège de
la légitimité !

Constituer des équipes radicalement adaptables

Apprendre implique un management adapté qui s’apparente à celui construit par Nonaka
et Takeuchi et dont les composantes principales sont la flexibilité, l’adaptation et
la prise en compte du rôle de chaque acteur impliqué. Il n’y a donc pas de formules
miracles puisqu’elles dépendent d’un contexte, des individus qui le vive et de leurs
interprétations.
L’apprentissage nécessite du temps de réflexion et une prise de distance que les
dirigeants n’ont souvent pas le loisir de s’accorder. Mais les dirigeants doivent
comprendre que pour sauver le navire par temps de tempête, il faut non seulement
savoir beaucoup mais aussi mettre en place des équipes radicalement adaptables.
L’adaptabilité radicale se veut prédictive et proactive. Il existe 4 leviers pour construire
de telles équipes :

1) La collaboration en mode inclusif

L’inclusion dans les équipes de nouvelles personnes utiles à la réalisation des missions
permet de trouver des solutions novatrice 
en brisant les silos organisationnels.

2) La gestion en mode agile

Définir des missions claires, octroyer des ressources adéquates et donner toute
liberté aux équipes de tester des idées ou solutions sans remonter la hiérarchie pour
obtenir des approbations permet d’accélérer les process et de dynamiser l’innovation.

3) La promotion de la résilience des équipes

Faire de la bienveillance et le soin porté à la santé et bien-être au travail d’autrui la
responsabilité de chacun. Pouvoir exprimer ses besoins et ses difficultés facilite la
collaboration et accélère la résolution des problèmes.

4) La prévision active

Pour être agile la prévision doit s’appuyer sur l’équipe. Chaque équipe doit être en
mesure d’élaborer des scénarii sectoriels à partir des données qu’elles accumulent au
quotidien pour continuer à trouver des solutions qui permettront de réduire des risques ou exploiter des opportunités.

On retiendra

Apprendre de la crise pour ne pas la gâcher… suppose donc savoir se l’approprier, en tirer
des leçons et tirer parti des échecs. Il s’agit donc d’une part, d’identifier ses propres
faiblesses afin de pouvoir les corriger et sortir de la crise plus fort et mieux armé pour
en affronter de nouvelles. Il s’agit d’autre part, de re questionner les pratiques et
routines de l’organisation pour construire des équipes radicalement adaptables.

Notes

Sharifi, H. and Zhang, Z. (1999) A Methodology for Achieving Agility in Manufacturing Organizations: An Introduction. International Journal of Production Economics, 62, 7-22.
Errazzi et Gohar Competing in the New World of Work.
Proag, V. (2014). The concept of vulnerability and resilience. Procedia Economics and Finance, 18, 369-376.
Roux-Dufort, C., Gérer et décider en situation de crise, Dunod, 2003.
Morin, E., Sociologie, Le Seuil, 1994.
Nonaka, I., & Takeuchi, H., La connaissance créatrice,
DeBoeck Université, 1997.